#MeToo Techno, la scène électronique fait face à ses prédateurs

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Devin

Cinq ans après la première vague #MeToo, c’est au tour du monde de la techno de répondre de ses actes. Le collectif Metootechno, sur Instagram, s’est donné pour mission de faire émerger les témoignages de victimes et de dénoncer les agresseurs de la nuit.

En six mois, son initiative a mis en lumière des centaines de témoignages et permis de relier des victimes à des agresseurs en série. Une libération de la parole progressive, comme elle le souligne “Au début, je ne recevais que quelques lignes, maintenant, j' accompagne certaines jusqu’à la plainte”. Plus qu’un espace de parole, Metootechno devient un outil d’entraide et de mobilisation, alors que les DJ et les organisateurs de soirées, longtemps protégés par le silence, ne peuvent plus ignorer le problème.

Un système qui protège les siens

Dans le milieu techno, la fête est un exutoire, un espace dans lequel on vient oublier ses traumas, se perdre dans la musique et l’ivresse du son. Mais cet univers de transgression a longtemps protégé ses figures d’autorité. Depuis un ou deux ans, une volonté de rendre les nuits plus safe émerge, mais les DJs et organisateurs pratiquent surtout un purple washing (stratégie politique et/ou marketing visant à promouvoir un objet via son implication dans la cause de l’égalité de genre). "Les dispositifs de prévention sont nombreux, raflent les subventions et donnent une image de bienveillance. Mais une fois qu’une agression survient, la règle reste le silence", dénonce cette militante anonyme.

Les organisateurs sont souvent des hommes d’une génération précédente, habitués à une culture de boys' club. "Les filles dans les orgas n’ont pas assez de poids et quand elles veulent parler, on leur demande de se taire", explique la militante. La priorité est l’image du collectif, pas le traumatisme de la victime, et pour cause “Il y a des DJs qui ont des dizaines de victimes. Les voir encore bookés, c’est insupportable."

Entre tribunal public et silence judiciaire

En l’absence de réponses judiciaires rapides et adaptées, Metootechno est devenu un espace dans lequel les victimes se soutiennent et s’organisent. "Je ne suis pas formée pour ça, mais j’essaie de faire ce que la justice ne fait pas." Certains témoignages sont relayés publiquement, d’autres restent confidentiels, compilés pour alimenter des plaintes collectives, en sous-marin comme elle dit. Pour elle, rester les bras croisés n’est plus une option, peu importe la précarité sociale d’une pareille mission : "Je passe quatre heures par jour sur ce compte, je réponds aux messages pendant mes heures de taf alimentaire."

Mais cette visibilité a un coût : la militante fait face à des poursuites pour diffamation, des menaces et une pression quotidienne. "Il faudrait un vrai tribunal spécialisé dans les violences sexuelles", estime-t-elle. En attendant, elle continue, persuadée que la honte doit changer de camp. En osant regarder ses prédateurs en face, Metootechno brise une omerta bien huilée.

Note de la rédaction : Vous avez été victime ou témoin de violences dans le milieu de la techno et souhaitez témoigner ? Vous pouvez contacter Metootechno via leur compte Instagram

Alixe FOURCAULX

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