À l’occasion de la sortie de son tout premier EP Abyssal, Snail nous fait découvrir son parcours rapide et atypique, brillant sous les auspices dynamisantes et chaotiques de la Mental et de la Tekno.
Un après-midi d’échanges vifs et passionnés suffit à peine pour rendre compte de l’énergie avec laquelle Louise, aka Snail, entretient son quotidien survolté. Véritable épicurienne dans l’âme, elle n’en reste pas moins l’une des DJ productrices les plus studieuses que j’ai pu rencontrer, et pour cause ! Si ses diverses activités peuvent sembler opposées au premier abord, elles dépeignent une ambivalence originale qui confirme bien une chose : il ne faut jamais s’empêcher de s’investir dans quelque chose qui nous plaît.
Voici ce que Louise me répondait à propos de sa carrière musicale, et cette phrase m’a marqué. Une phrase en apparence simple et efficace, elle me fait pourtant comprendre combien il est important de ne pas se laisser paralyser par l’hésitation. Il faut parfois savoir lâcher prise, ne pas se poser trop de questions à partir du moment où on avance quelque part. Les coups de tête peuvent nous mener à bien des expériences insoupçonnées. Elle-même commençait à s’intéresser au monde du DJing et de la production il y a plus d’un an et demi seulement, et grille les étapes avec les conseils éclairés de l’artiste Cantal Goyave, son ami et “senseï”. “On faisait des séances à 5h du mat où il m’expliquait des trucs. Je suis assez studieuse, du coup j’avais mon carnet et je prenais des notes pour pouvoir tout reproduire toute seule après.” Vous pourrez d’ailleurs retrouver plusieurs de leurs collaborations sur la page Soundcloud de Snail, à partir du lien en fin d’article.
L’année dernière, Snail entrait dans le collectif S.OROR, un regroupement de huit artistes représentantes de la gent féminine dans différentes villes de France dont la popularité ne cesse de grandir. Souvent programmées pour jouer de la Techno ou de la House dans les lieux festifs de Toulouse et d’ailleurs, chacune des 8 artistes du collectif possède sa propre identité musicale, qui diverge parfois des attentes spécifiques des organisateurs d’événements. “Certains styles sont un peu lésés du coup. Par exemple au Bel Air, on était venu me voir pour me demander l’air étonné “mais vous faites de la Dub ?”. Mais on fait de tout ! On a plein de styles différents, et c’est ce qui fait notre force.”
De plus, Louise fut également à l’initiative de la création de l’association NOÏO, un “authentique groupe de potes” comme elle le décrivait joyeusement. L’objectif est l’organisation d’événements plaisants et inclusifs, et notamment un festival type free party, où tout le monde s’amuse et se sent libre, mais sans prétention ni distance. “Franchement ça me redonne foi en l’humanité” me disait-elle en riant, “il n’y a pas de hiérarchie, c’est ouvert à l’initiative, et géré selon les disponibilités de chacun.”
Grande amatrice du milieu de la free party, Louise soulignait cette différence d’avec les clubs, notamment à propos des sentiments de liberté, de respect et d’acceptation qui se dégagent de ces événements. “Le plus important pour moi, c’est d’être bien traitée, bien nourrie, pouvoir faire confiance à l’orga. Les mecs de la teuf, ils n’en ont rien à faire que je sois une meuf. J’aime bien parce qu’on ne va pas me booker parce que je suis une femme”.
La reconnaissance d’artiste passe d’abord par la musique qu’elle produit plutôt que du statut spécial qu’elle incarne en tant que femme productrice. “C’est pour ça que je préfère jouer en teuf, parce que tu joues en régie, pas en façade. On te voit si on veut te voir, mais c’est pas l’essentiel. Pour moi, la musique ça s’écoute, ça se regarde pas. On s’en fout de qui fait la musique.”
Toutefois, la portée de ses activités ne s’arrête pas là. En effet, si la carrière musicale de Snail prend désormais une place de plus en plus importante dans sa vie, c’est d’abord vers la sphère juridique que ses études l'amènent encore aujourd’hui. Hyperactive sur plusieurs plans en même temps, Louise m’expliquait comment “lors de certaines journées l’année dernière, je passais le matin au sushi shop pendant 5h, l’après-midi j’allais donner des cours en chargée de TD à la fac de droit, et le soir j’allais mixer au Mirail.”. Un rythme effréné à l’instar de la musique que la productrice en herbe couvait alors.
Snail est avant tout une artiste qui aime produire de la Mental Teckno. C’est en suivant cette intention qu’elle confirmera les bases de son identité d’artiste, avec la sortie de son tout premier EP, intitulé “Abyssal”, le 29 septembre prochain sur Soundcloud, Spotify et Bandcamp. En effet, il se trouve qu’elle commençait la production il n’y a finalement pas si longtemps. C’est pourquoi elle revient sur ces périodes de tâtonnement, d’expérimentations musicales regroupées parmi ses titres disponibles, qui sont, comme elle le reconnaît, “tout sauf de la Mental. J’ai fait une track de House, une d’Acid-Tribe, des trucs je sais même pas ce que c’est. En fait, quand tu produis, que tu commences à zéro, t’es obligé.e de tâtonner, de chercher un peu.”
Débuter dans un nouveau domaine laisse toujours une marge de progression rapide, et parfois même fulgurante. Dans le cadre de la production musicale, on a tôt fait d’être insatisfait de ses premières tentatives. En l’occurrence, Snail m’expliquait avoir soustrait deux tracks complètes de son EP lors de sa création, et seule la première, “Oracle”, fut maintenue parmi ses premiers essais. “C’est la seule dont je n’avais pas envie de me débarrasser à la fin, la seule qui m’allait encore après l’avoir produite, en février cette année. Pour le coup, elle, je trouve qu’elle fait vraiment passer une émotion”. Après être revenue dessus à quelques reprises, elle me confiait ne pas parvenir à y ajouter quoique ce soit de satisfaisant. Ma foi, Antoine de St Exupéry disait bien que “la perfection est atteinte non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer”. La dernière track est toutefois sa favorite, pour l’ambiance énergique qu’elle dégage, et notamment le kick qui revêt une importance toute particulière pour elle : “j’aime bien quand les kicks ont une couleur, je veux qu’ils aient un caractère.”
Quand on produit de la musique électronique, l’obtention de certaines sonorités peut provenir de claviers digitaux, ou bien de la modification de samples enregistrés ou téléchargés par-ci par-là. Si Snail semble apprécier les sonorités hors du commun (comme les cris de baleines par exemple, si si), elle me décrivait en effet que “la Mental, c’est de la mélodie avec du bruit, c’est vraiment un style intéressant, il n’y a pas de règle !”.
Cependant, ça ne signifie pas qu’il est facile d’obtenir précisément le résultat auquel on pense quand des idées nous viennent. C’est par l’expérience mêlée à une certaine maîtrise technique que ces dernières gagnent en consistance et s’affinent. C’est pourquoi cet EP marque un virage dans la carrière musicale de Snail : “avec Abyssal, tous les rendus que j’ai sont des rendus que je cherchais”. Cependant, elle m’affirmait tout-de-même sans honte que tout n’était pas parfait. Il faut parfois savoir se satisfaire de la technique qu’on parvient à atteindre à un moment, pour mieux poursuivre ensuite. Puis, afin de confirmer l’importance que ce projet représente pour elle, Louise m’expliquait avoir demandé à un professionnel de la team Cluster, Medula, de masteriser ses tracks afin d’obtenir le rendu espéré.
Si la lecture de ces lignes a su attiser votre curiosité, n’hésitez pas à venir vivre l’expérience Mental by Snail à Bordeaux le samedi 7 octobre prochain, lors de l’événement organisé par le label Associated Paraboloid au Wav Form Studio. Les artistes Deuce, Sukkube, et Spatiosselet, joueront leurs DJ set à sa suite de 20h à 00h, avec notamment deux performances live ! De quoi atteindre le milieu de la nuit dans un élan musical aussi entraînant qu’original.
Associated Paraboloid at TBA - Wav Form Studio, South West
Thibault, aka Cantal Goyave, cofondateur d’Entropie collectif
https://soundcloud.com/cantal_goyave
https://www.instagram.com/cantalgoyave/
Miguel aka Medula, producteur et DJ cofondateur de Cluster Traxx, pour avoir masterisé son EP
https://soundcloud.com/medularsystem/
https://www.instagram.com/medula_sounds/
Louis, aka Toutestun, pour la pochette d’EP qui casse des briques
https://www.instagram.com/tout_est_un_official/