Rencontre avec l’artiste gersoise Miry Muraro, de sa découverte de la musique électronique à ses premières scènes et son amour du public. Retour sur une carrière pour le moins atypique. Car faire bouger les jeunes à 60 ans, c'est tout un art !
D’abord un cadre des plus charmants, au café de la Concorde, proche de l’arrêt de métro Jeanne d’Arc, à 11h ce mardi matin. Je commence par fouiller en terrasse, puis à l’intérieur du café sans toutefois y trouver Miry. Ainsi je m’estime être le premier arrivé, c’est bien, tant mieux. Il convenait ensuite de trouver un endroit suffisamment isolé pour assurer une bonne qualité d’enregistrement et un certain confort, sans importuner quiconque alentour. Cherchant du regard une table convenable, je finis par me retourner sur dame Muraro qui, sortant tout juste du café, m’indiquait qu’elle s’était commandée un allongé. Premier arrivé hein ?
Je n’avais pas idée de ce dans quoi nous nous embarquions alors : pratiquement deux heures et demie d’échanges passionnés autour de la scène électronique, de la singularité de son parcours et de son rapport à la scène, à l’aune de sa célébrité grandissante.
Dès le départ, Miry me fait part de son amour pour la musique, qui naquit bien avant sa carrière. Des riffs de guitare électrique dans les oreilles, du rock anglais accompagnera l’artiste en herbe durant son parcours dans le paramédical. Car, si Miry est désormais formatrice spécialisée en Gestalt-thérapie, elle exerçait alors le métier de psychothérapeute quand sa relation avec le monde de la musique électronique commença à se tisser.
Retour en 2008, où à l’occasion d’une soirée, une amie introduisait la future DJ Miry à la hardcore et la tribe. Celle-ci me décrivit sa première expérience en riant, telle “une expérience hardcore pour le moins.. hardcore”, mais qui ne manqua cependant pas d’attiser sa curiosité. En effet, Miry poursuivit son voyage musical, à la découverte de la Trance, la DnB, l’Electronica et bien évidemment la Tech, un genre multiple dont elle explorera la myriade de déclinaisons pour en préférer les pistes les plus mélodiques avec des artistes comme Joris Delacroix, Aalson, Teho, Stephan Bodzin ou Ellen Allien. Sa passion pour la musique électronique était née.
Une passion qui l’amènera jusqu’en février 2019, où la décision d’acheter un contrôleur DJ et une trentaine de tracks s’avérera avoir des répercussions quelque peu.. inattendues. Car déjà en septembre de cette même année, Miry mixait derrière les platines pour la Techno Parade à Paris. Un début de carrière prometteur, qui annonçait déjà les prémices des mélodies qui se cachaient en elle.
Mais dès mars 2020, la situation pandémique nous confinait pour la première fois. Toutefois, DJ Miry parvint à s’y adapter avec l’aide de sa fille, en poste dans la production culturelle à Nantes, qui l’aidera dans ses stratégies managériales et communicatives. C’est par un rendez-vous hebdomadaire le mercredi soir sur Facebook, qu’elle fît danser jusqu’à 8000 internautes connecté.e.s en live ! La plupart d’entre eux écoutaient d'ailleurs sa musique par-delà les Pyrénées. En effet, ses relations avec les collectifs 100 neuf en France et Casa Nostra en Espagne lui permirent de grandement développer ses connaissances techniques, ainsi que favoriser son intégration dans le monde du DJing, comme auprès de publics variés.
Une fois la période de coronavirus stabilisée, Miry m'évoque les nombreuses salles dans lesquelles elle vint se produire : au Lab Room à Bordeaux, au bar El Efecto à Grenade, à La Bibine à Auch mais aussi dans le bar Winger, les Halles de la Transition et plus récemment encore le Connexion Live à Toulouse.
Chacune de ces étapes renforcèrent son plaisir à produire, et l’épanouissement qu’elle trouve dans la relation tissée entre son public et sa musique. Car c’est ainsi qu’elle me décrivit sa “philosophie” d’artiste : elle veille à “ne pas se laisser influencer par les normes”, et espère “être oubliée derrière mes platines, oubliée au profit de la musique. Je veux qu’on puisse apprécier ma musique en gardant les yeux fermés”. Sa conception de la création musicale se fonde sur une relation entre le public qui écoute, danse et vit la musique, et l’artiste qui crée pour les corps, pour l’émotion et le sensible, à partir de ce qu’iel veut donner de soi au monde. C’est “le regard du public se connectant à mon regard [...] créant du commun. C’est sans doute pour moi le plus important, cette notion de partage”.
Sagesse et beauté se mêlent parmi ces paroles inspirantes, dont on retrouve les reflets lumineux dans les dernières créations de la musicienne, Be Along, Chills et Göttin. Si la situation de trouver une femme de 60 ans derrière les platines a de quoi surprendre, il est temps de repenser notre rapport entre le public consommateur et les créateur de musique électronique. L’enjeu de créer une musique actuelle, qui s’accorde à une norme et veille en même temps à s’en détacher, est un défi que Miry affronte avec amour et ambition. Souvent remarquée avec surprise au Bikini pour le rapport entre son âge et ses goûts musicaux, cette dernière tient à revaloriser sa création au-delà de sa singularité.
Concernant ses projets à venir, la DJ a été contactée par Antiestático, une agence audiovisuelle engagée se situant à Madrid, pour participer au tournage d’une publicité lors de la fête de la musique. Une initiative phare de cette année, en plus de sa récente participation au Bricks Festival, le dimanche 11 juin. Une carrière qui avance toujours un peu plus haut, et nous promet de nouvelles créations sauce Muraro, des mélodies qu’on attend avec impatience.
Miry’s Soundcloud : https://on.soundcloud.com/eSzTJ
Miry’s playlist : https://open.spotify.com/playlist/1MKd77zW7pozrzvedf3pPd?si=lJE-wn8mSBmMbHUkr-poIA
1) Joris Delacroix - Aiguilhe
2) Sebastian Fleischer, TYGR TYGR - Afterlife
3) Teho - Unlocked
4) Pal - Strike One
5) Joris Delacroix - Lorena
6) Aalson - When the World Slows Down
7) Joseph Ashworth - Sheen
8) Stephan Bodzin - Birth
9) Teho - Glacier 3000
10) NTO, Worakls - Trauma - Worakls Remix
Crédit Photo : @soka_photographie